mercredi 22 janvier 2014

Compte rendu de la Haute Autorité de Santé (HAS)


L'avis de la HAS était très attendu. La Haute Autorité de Santé n'a pas tranché car elle estime que, par le fait du manque d'étude au sujet des cigarettes électroniques, qu'elles ne peuvent être considérées comme des substituts nicotiniques à conseiller par les médecins mais que son utilisation n'est pas découragée.

L’organisation a assuré n’avoir « pas assez de données scientifiques sur son efficacité et son innocuité ». Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS, a par ailleurs indiqué dans ses recommandations que « les études montrent qu'il existe des substances toxiques dans les vapeurs d'e-cigarettes, mais les avis convergent pour dire que les toxiques présents sont en quantité extrêmement moins forte que dans la vapeur de cigarettes classiques ». La HAS a donc « recommandé aux médecins de ne pas dissuader ceux qui vapotent », du moment qu’ils précisent que cela doit être temporaire.

NDLR : Décidément, on tourne toujours autour du pot.

Pour certains médecins, c'est beaucoup plus clair, voici des extraits d'un interview des professeurs

Dr Bertrand Dautzenberg (service de pneumologie, Hôpital de la Salpêtrière, Paris) et le Pr Daniel Thomas (Cardiologue, Hôpital de la Salpêtrière, Paris)

1-La cigarette électronique est-elle dangereuse ?

Daniel Thomas « 50% des fumeurs vont mourir du tabac donc par rapport à une chance sur deux de mourir, l'e-cigarette est moins dangereuse. C'est indiscutable. En revanche, entre ça et rien, la e-cigarette est plus toxique. Ce n'est pas un produit pour les non-fumeurs. »

Bertrand Dautzenberg « D’après la littérature, nous sommes tranquilles sur le plan sanitaire. En revanche, nous ne pouvons pas être certains qu’en recommandant la cigarette électronique nos patients vont trouver un produit fiable, en termes de dosage, notamment ».

2-Existe-t-il un risque cardiovasculaire associé à l’e-cigarette ?

Daniel Thomas « Une équipe grecque a comparé les effets des e-cigarettes et des cigarettes tabac sur la réserve coronaire et les résistances coronaires. Il en résulte que la cigarette électronique n’a aucune influence sur ces paramètres. Vapoter n’induit pas plus de risque chez les coronariens que chez les non coronariens [2]. »

« Sur le risque de thrombose, alors que le tabac est très délétère, pour la cigarette électronique, il y a peu d’arguments pour penser qu’elle a un effet mais, il faudrait tout de même l’étudier. En théorie, il n’y a pas de raison qu’il y ait un effet car c’est la combustion du tabac et le monoxyde de carbone qui sont nocifs. Or, ce phénomène est inexistant avec l’e-cigarette. »

3-Quid de la règlementation du produit et d’éventuelles normes de qualité ?

« Le contexte évolue considérablement. Le Parlement Européen a voté un texte qui donne quelques règles (taille des flacons de nicotine, étiquetage...). De son côté, la France a interdit la vente aux mineurs. Sur la qualité des produits, les industriels travaillent, dans un premier temps, à la mise en place d’une norme privée car pour faire une norme AFNOR ou ISO, il faut 3 ans... Ils souhaitent établir des règles pour certifier la qualité de leur produit (fabrication stérile, contrôle des impuretés…) »

« A l’heure actuelle, les produits utilisés dans les e-cigarettes suivent les normes pharmaceutiques European Pharmacopoeia (EP) ou United States Pharmacopeia (USP) à l'exception des arômes qui sont certifiés pour l'alimentation. L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a la liste de tous les produits contenus dans les e-cigarettes. »

4- L’e-cigarette a-t-elle sa place dans le sevrage tabagique ?

Nous ne pouvons pas recommander la cigarette électronique en première intention dans le sevrage tabagique parce que nous n'avons pas actuellement de démonstration suffisante de son efficacité. Daniel Thomas

L’étude de Bullen et coll. montre une efficacité à peu près équivalente aux substituts classiques mais sa méthodologie n’est pas parfaite [3]. En revanche, nous avons des certitudes quant à l’efficacité des autres produits d’aide au sevrage tabagique, même si leur efficacité est loin d’être absolue. »

« Si un patient n’a jamais essayé la cigarette électronique et qu’il la demande, en règle générale, je pense qu’il faut le réorienter vers les substituts nicotiniques classiques. En revanche, s’il l’utilise déjà ou qu’il est très motivé pour l’essayer, il ne faut pas l’en dissuader.»

Bertrand Dautzenberg « Comme pour les substituts nicotiniques, il faut que les patients qui optent pour la cigarette électronique dans la perspective d’un sevrage tabagique reçoivent la bonne dose de nicotine. Pour avoir toutes les chances d’arrêter le tabac, il ne faut pas être sous-dosé en nicotine. »

5-Pourquoi y-a-t-il si peu d’études fiables e-cigarette vssubstituts nicotiniques ?

Bertrand Dautzenberg « Le problème est que les premiers essais ont été faits avec des e-cigarettes qui fonctionnaient mal. Jusqu'en 2010, les e-cigarettes supposées délivrer de la nicotine n’en délivraient pas. Il a fallu attendre 2011 pour que les taux de nicotine et de cotinine soient équivalents à la cigarette tabac. L’étude de Bullen, qui a été publiée l’année dernière, est la seule étude randomisée récente qui ait été réalisée sur le sujet. »

« Une des limites est que pour faire un bon essai, il faut trois ans. Or, une cigarette électronique d’aujourd’hui, sera complètement ringarde dans 2 ans. »

« Il y a des études en cours sur l’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique mais aucune en France. »

6-Comment expliquer cet engouement pour la cigarette électronique ?

Daniel Thomas « L’engouement pour la cigarette électronique est le reflet d’une forte démarche de sevrage de la part de la population. C’est très positif. Outre le fait que la cigarette électronique partage plus de similitudes (fumée, geste…) avec le fait de fumer que les substituts nicotiniques, elle semble aussi mieux convenir à certains fumeurs. Elle est particulièrement adaptée à ceux qui ne souhaitent pas passer par un circuit médical pour arrêter de fumer. Demander de l’aide à un médecin ou un pharmacien est parfois vu comme un aveu de faiblesse. Lorsqu’ils font la démarche d’aller vers la cigarette électronique, certains fumeurs se sentent plus autonomes et plus valorisés. C’est ce qui fait, à mon sens, le succès de la cigarette électronique. »

Bertrand Dautzenberg « La cigarette électronique convient bien au fumeur qui est dans une démarche de fumer autrement et pas dans une démarche d’arrêt du tabac. »

7-Sur les demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM)

Bertrand Dautzenberg « La première demande d’AMM en Angleterre a été faite par l’industriel du tabac Reynolds. »

« L’évolution technologique est tellement rapide que, pour l’instant, les procédures d’enregistrement ne peuvent pas suivre.

« Si un laboratoire décide de faire une demande d’autorisation de mise sur le marché, il va sortir une cigarette électronique obsolète : un IPhone 2 quand les autres auront déjà l’IPhone 7. Il n’a donc pas d’intérêt à déposer une demande d’AMM. Je pense que dans 3 ou 4 ans cela se stabilisera. »

8-E-cigarette et lieux publiques

Bertrand Dautzenberg « L’interdiction de vapoter dans les lieux publics n’est pas effective. La Ministre voulait l’interdire mais, le Conseil d’Etat souhaite que cette question soit abordée dans la loi de santé publique de l’année prochaine. Il faudrait l’interdire au moins dans les hôpitaux et les écoles. La SNCF l’a fait, Michelin, l’a fait, la RATP l’a fait, pourquoi pas les autres ? »

Daniel Thomas « Il est intéressant d’interdire l’e-cigarette dans les lieux publics parce que le vapotage peut être considéré comme de la« fume » en terme de visibilité. Cela redonne au fait de fumer une relative légitimité apparente. Cela met à mal tous les efforts qui ont été faits pour dénormaliser la notion de fumer. »

9-Sur la récupération de l’e-cigarette par l’industrie du tabac


Daniel Thomas
« La récupération de l’e-cigarette par les cigarettiers pose question. Qu’est-ce que ce produit deviendra entre leurs mains s’il devient leur propriété exclusive ? D’autre part, cela leur permet de se positionner comme des acteurs de santé ce qui est un peu fort. »

Bertrand Dautzenberg « Quand Reynolds a racheté une compagnie de cigarette électronique, le PDG, a expliqué, face à la camera, qu’il l’achetait non pas tant pour que les fumeurs deviennent des vapoteurs mais pour recruter des nouveaux consommateurs. »

1,5 million d’utilisateurs en France

En décembre dernier, une étude Ipsos montrait qu’un Français sur cinq avait déjà testé la cigarette électronique. Et plus de 1,5 million de vapoteurs étaient recensés en France. « Seulement 3 % des fumeurs qui essaient d'arrêter seuls y arrivent », a rappelé Cédric Grouchka. Un chiffre bien faible, qui explique certainement le succès de l’e-cigarette.

 

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